L’Homme nouveau : Le totalitarisme, des prémisses du 20ème siècle à l’accomplissement du 21ème.
Par Samuel Atlani
04 août 2021
A partir du moment où une idéologie propose de construire un Homme nouveau en faisant table rase du passé, vous pouvez être certain qu’il s’agit d’une idéologie totalitaire.
Le transhumanisme est de celles-ci. Tout comme le nazisme et le stalinisme. Et d’autres encore. Cette idéologie propose de faire passer l’humanité à un stade imaginé comme supérieur, en changeant la nature humaine même via divers moyens techniques. Les nazis voyaient comme moyen technique à cet accomplissement l’eugénisme, entre autres. L’URSS voyait comme moyen technique à cet accomplissement l’ingénierie sociale brutale, entre autres. Le transhumanisme voit comme moyens techniques à cet accomplissement diverses technologies, allant de la robotique à la numérisation et le fichage massif des données personnelles, en passant par certaines techniques médicales, entre autres.
Dans tous les cas, ces idéologies impliquent nécessairement un régime autoritaire
Dans tous les cas, ces idéologies impliquent nécessairement un régime autoritaire, un remplacement des corps intermédiaires par de nouveaux organes dévolues à cet accomplissement, une disparition de la sphère privée, une surveillance de masse, et in fine une purge pour éliminer ce qui peut rester de réfractaire à cet accomplissement. C’est pour cela que ces idéologies sont dites « totalitaires » : elles cherchent à détruire toute trace de la société passée pour l’englober et la prendre entièrement en charge dans le moindre aspect, dans toutes ses strates, des individus aux collectifs, pour l’amener vers un but précis : la création d’un Homme nouveau, conçu et construit par l’homme. Ce sont des idéologies totales.
« Tout dans l’Etat, rien contre l’état, rien hors de l’Etat » – Benito Mussolini
« Tout dans l’Etat, rien contre l’état, rien hors de l’Etat » Cette phrase de Mussolini, en 1927 à la chambre des députés, définit parfaitement la notion même de totalitarisme, ici prodigué par un Etat. Donc rien contre ni en dehors ne doit exister, y compris la vie privée, y compris la pensée, les arts, les corps intermédiaires, la famille. Il n’y a plus de frontière, privée, nationale, corporatiste, politique…etc. Par définition, un système totalitaire est opposé à tout conservatisme, à la notion de nation, à l’individualité. Il est mouvement permanent. Ces idéologies se sont jusqu’à présent heurtées à de nombreuses limites techniques. Ce n’est plus, ou moins, le cas aujourd’hui.
Le problème n’est pas l’amélioration de l’homme, mais la dépendance que cela implique.
Concernant le transhumanisme en particulier, cette idéologie ne propose rien de moins que l’amélioration directe de l’homme par la technique, et non plus indirecte. Le problème n’est pas l’amélioration de l’homme, mais la dépendance que cela implique. Comme vous êtes dépendant de Google ou d’Apple, jusque dans l’utilisation de l’OS (système d’exploitation). La plupart ne contrôle déjà pas son téléphone, son ordinateur ou son lecteur de DVD. Il s’agit pourtant d’objets que nous possédons, sur lesquels nous avons en théorie tout droit d’en faire ce que nous souhaitons. Et pourtant, à moins de contournements, on ne peut lire un DVD d’une autre zone ou l’on ne peut désinstaller certains logiciels de son téléphone. Un exemple concret : Un objet connecté avec reconnaissance vocale, tel l’enceinte Alexa d’Amazon, une X-box one ou votre smartphone avec une appli de reconnaissance vocale (« OK Google, dis moi où trouver…etc) par exemple signifie que le microphone est ouvert en permanence, sans contrôle de votre part, et analyse les sons émis constamment. Sons qui peuvent évidemment être enregistrés sans votre consentement. Souriez, vous êtes espionnés. https://www.sudouest.fr/2020/12/23/allemagne-un-meurtrier-condamne-grace-aux-enregistrements-d-alexa-l-assistant-d-amazon-8222505-4697.php
La question centrale que pose le transhumanisme est le contrôle de notre vie privée.
Quel contrôle alors auront-nous sur un bras artificiel, des yeux artificiels, un cœur artificiel ? La question centrale que pose le transhumanisme est le contrôle de notre vie privée, de nos machines, et de notre corps. Ou leur maîtrise par d’autres. Un bras électronique pour remplacer un bras perdu, quelle merveille de technologie dont le contrôle appartient à celui qui le construit, celui qui le pose, celui qui en conçoit les logiciels. Un terminal commandé à la voix, quelle merveille de technologie impliquant l’enregistrement permanent de tout son émis dans le confort de son petit appartement. Une caméra à reconnaissance faciale et gestuelle, quelle merveille de technologie qui trace le moindre de nos faits et gestes. Plus proche de nous encore, un moteur de recherche tellement puissant qu’il peut vous fournir des résultats de recherche parfaitement adaptés à vous, quelle merveille de technologie qui vous fiche si précisément qu’il vous connaît mieux que votre mère, et peut contrôler toute l’information parvenant jusqu’à vous. Un logiciel permettant de contrôler qu’un individu correspond bien à certains critères et permettant de le localiser, quelle merveille de technologie pour contrôler une épidémie, n’est-ce pas ? Ces exemples ne sont en rien de la science fiction. Certains dont déjà en cours de généralisation.
Il s’agit là du rêve d’une société insectoïde purement collective, sans individualité pouvant gêner le mouvement incessant du progrès.
Il s’agit là du rêve d’une société insectoïde purement collective, sans individualité pouvant gêner le mouvement incessant du progrès. C’est la société rêvée, fictive, utopiste, d’avant la pomme de l’arbre de la connaissance. C’est le mythe du golem ou la fiction de Mary Shelley Frankenstein sur une société entière. C’est la prétention de l’homme à devenir le seul objet et le seul vecteur de lui-même, de sa création, et de tout ce qui l’entoure. C’est le « rêve » d’un monde entièrement artificiel fait par l’Homme, pour l’Homme, sans l’Homme. C’est l’Homme rêvant d’être Dieu.
Ces idéologies veulent la mort de l’humain.
Ces idéologies veulent la mort de l’humain.
L’humain est dépassé, disent-elles. Il faut donc le changer, le considérer tel de la matière humaine indifférenciée, et le tuer
Pour mieux appréhender la notion de totalitarisme, vous pouvez lire : – Le Système totalitaire de Arendt, le troisième tome des origines du totalitarisme par exemple. Excellente synthèse. – Junger ou Carl Schmitt sont à lire aussi à ce sujet. Mais ils sont partisans. – L’invention démocratique : les limites de la domination totalitaire, de Lefort, est très intéressant à ce sujet également. – Permanent revolution, de Sigmund Neumann. Plus dur à trouver. – Raymond Aron a également tenté une définition de la notion, que je trouve assez pertinente. Il la définit grossièrement comme un système politique qui absorbe la société civile dans l’Etat, rejoignant pleinement sur ce point la définition qu’en fait Arendt là dessus. D’où le terme de totalitarisme.
Vous pouvez aussi lire des romans pour appréhender la notion de manière plus sensitive, comme : – 1984 de Orwell – Fareinheit 451 de Bradbury – Le meilleur des mondes, de Huxley – 2084, de Boualem Sansal – Un bonheur insoutenable, de Ira Levin – La plupart des romans de Maurice G. Dantec.
Il y aurait encore beaucoup à dire, et selon moi, la notion est encore incomplète de base car aucun totalitarisme n’a encore eu les moyens techniques de pleinement s’accomplir, jusqu’à aujourd’hui… Donc je pense que la définition sera à compléter avec l’analyse des totalitarismes de notre époque. Un travail que je tente modestement d’accomplir par mes petits moyens.