Cygne Noir

Aux racines de l’idéologie migratoire

Aux racines de l’idéologie migratoire

par Vincent Coussedière

Transcription de l’entretien par Laetizia Graziani

VA Plus, le Grand Entretien – 13 juin 2021

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« On ne regarde plus les conséquences, par rapport aux politiques, de l’attitude morale. Et cela c’est Sartre, c’est la gauche. C’est l’absolutisation du point de vue moral, et ne pas voir le point de vue politique, c’est-à-dire le bien commun, les limites de la générosité morale etc. »

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Charlotte d’Ornellas : Nous vous recevons aujourd’hui parce que vous avez publié récemment un livre qui s’appelle Eloge de l’assimilation et le sous titre de ce livre est : Critique de l’idéologie migratoire. Alors évidemment qui parle d’assimilation parle forcément, en tout cas dans notre imaginaire collectif, d’immigration. Vous parlez d’une « naturalisation » du phénomène migratoire depuis 60 ans, alors commençons par là. Que voulez-vous dire exactement ?

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Aujourd’hui l’on fait de l’exception (la migration) la règle.

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Vincent Coussedière : Il faudrait définir ce qu’est le phénomène migratoire, l’immigration. Si on se réfère à une définition onusienne, juridique de l’immigration, c’est le fait pour un étranger de quitter son pays et d’aller vivre plus d’un an dans un autre pays. On pourrait penser que c’est une démarche un peu particulière, on pourrait penser que c’est l’exception plutôt que la règle. Or je pars du fait qu’au contraire il y a une espèce de renversement, et aujourd’hui l’on fait de cette exception la règle. Et 1’on défend l’idée que l’homme serait un animal migrant, qu’il serait naturel de se déplacer tout le temps, de migrer. C’est un discours qui est relayé à très haut niveau, puisqu’on a des professeurs au collège de France comme Patrick Boucheron, comme le directeur de l’INED François Héran etc. C’est donc un discours relayé au plus haut niveau et qui veut nous dire : l’homme est un animal migrant.

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Pour la philosophie politique depuis Aristote, l’homme est un animal social qui se construit en appartenant à une cité.

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Etant philosophe, je m’interroge sur une forme de renversement puisque pour la philosophie politique depuis Aristote, l’homme est plutôt un animal social qui va se construire en appartenant à une cité, en s’assimilant à une cité. J’essaie donc de comprendre ce renversement où l’on veut avoir une définition anthropologique de l’homme par la migration au lieu d’avoir la définition classique de l’animal politique, de l’animal social et politique. Donc je pars de là et j’essaie de montrer que ce renversement ne vient pas de nulle part, qu’en fait c’est une idéologie que j’appelle l’idéologie migratoire, idéologie que j’entends déconstruire. Il faut déconstruire les déconstructeurs, comme dirait l’autre. Et j’essaie donc de montrer comment une idéologie que j’appelle l’idéologie migratoire à renversé les choses et veut nous faire prendre l’exception, donc la migration, pour la règle. J’insiste sur la rupture avec toute une tradition occidentale qui commence avec Socrate. Puisque Socrate est ce que l’on enseigne à nos élèves en terminale (j’enseigne en terminale), on commence souvent par l’Apologie de Socrate, par le Criton. Socrate est celui qui refuse l’exil, malgré sa condamnation à mort, il s’est défendu, il a refusé l’exil sur l’île de Délos qui, par une ironie de l’histoire, est une île qui a servi pour y installer des camps de migrants.

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La migration est-elle un progrès ou une aliénation pour celui qui migre comme pour celui qui accueille?

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J’essaie de revenir aux bases de la philosophie politique et d’interroger ce phénomène de l’immigration en montrant que c’est vraiment un phénomène problématique. Il ne va pas de soi. Il n’y a rien de mieux que de naturaliser un phénomène pour le rendre justement « normal » puisqu’il serait naturel. Il se produit une espèce de renversement : ce sont les progressistes qui naturalisent le phénomène de l’immigration. On pourrait leur dire qu’on a très longtemps naturalisé l’esclavage et l’on n’a pas voulu le voir comme un phénomène social de domination. Il y a là une contradiction. Est-il progressiste de naturaliser le phénomène de l’immigration ? Ou au contraire est-ce un phénomène qui est une forme d’aliénation pour celui qui migre comme pour celui de fait qui accueille ?

Charlotte d’Ornellas : Vous consacrez une bonne partie du livre au début à interroger le phénomène même de l’immigration. Vous parlez de naturalisation sur 60 ans. On a entendu un discours qui voyait les flux migratoires, les fameux flux migratoires comme une fatalité, mais non comme un problème politique. Vous parlez de l’idéologie migratoire et vous dites que cette idéologie migratoire repose en premier lieu sur ce que vous appelez un « verrou affectif » . Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est ce verrou affectif ? Avez-vous l’impression d’un changement récent ? parce que l’on a l’impression que ça fonctionne moins bien.

Vincent Coussedière : Oui et non. Sur l’ancienneté de la généalogie que je propose, de l’idéologie migratoire, en effet c’est peut-être un peu particulier parce que volontairement je prends un grand recul historique et je remonte à l’après-guerre. Pourquoi ? Parce que selon moi c’est la seule explication de la difficulté que l’on à en sortir. Parce qu’elle est beaucoup plus ancienne qu’on ne le croit. Quoiqu’il en soit, il y a une préhistoire de l’idéologie migratoire que je fais remonter à l’après-guerre, en particulier avec Sartre.

Sur ce que j’appelle le verrou affectif de l’idéologie : tout d’abord, qu’est ce qu’une idéologie ? Une idéologie est une vision simplificatrice, caricaturale de la réalité, mais qui est quand même un rapport à la réalité, sinon elle n’aurait pas d’efficacité. Comme le dit Hannah Arendt dans cette définition très célèbre :

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« L’idéologie est la logique d’une idée. »

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Il y a une logique dans cette idée, elle n’est pas complètement arbitraire, il y a un lien à la réalité. Mais il y a un côté systématique, de généralisation, qui fait que l’idéologie nous trompe finalement par rapport à la réalité. C’est la logique d’une idée. J’insiste sur le fait que l’idéologie a aussi un rapport à nos passions, à nos intérêts, c’est connu. Les marxistes disent souvent que l’idéologie est liée à des intérêts économiques, à des intérêts de classe. Mais je pense qu’elle est liée aussi à des affects qui ne sont pas forcément des intérêts économiques et l’idéologie migratoire s’appuie sur un affect de honte, de culpabilité. Ce n’est pas nouveau ce que je dis, d’autres l’ont déjà dit.

Ce qui est peut-être nouveau est que j’ai fait dans mon livre une généalogie plus ancienne de cet affect de honte et de culpabilité, c’est-à-dire je remonte à l’après-guerre parce qu’il me semble que ce traumatisme de 39-45 a créé justement cette honte de la nation, ce ressentiment. Et je pointe Sartre comme ayant surfé sur ce sentiment de honte et de ressentiment.

Charlotte d’Ornellas : Vous accordez une place très importante à Jean-Paul Sartre, c’est inhabituel [sur la question de l’immigration] et vous remontez plus loin. Un discours admis, bien connu aujourd’hui nous dit que l’idéologie migratoire vient d’une conception américaine de la société, le multiculturalisme. Vous, vous dites non, c’est très français, ça vient des idées de Jean-Paul Sartre, l’homme qui a créé le journal Libération. A la sortie de la guerre – vous vous attardez beaucoup sur sa propre honte et sa propre culpabilité dans cette guerre – pourquoi lui accorder une place aussi importante, alors que personne n’en parle jamais ?

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Sartre est le patron du gauchisme français.

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Vincent Coussedière : Il y a énormément de raisons d’accorder une place très importante à Sartre. Dans mon travail ce n’est pas nouveau, déjà dans l’Eloge du populisme je donnais une place très importante à Sartre parce que je considère que Sartre est le patron du gauchisme français. Sartre est celui qui va réorienter le marxisme vers une version gauchiste qui nous amène à aujourd’hui. Il y a donc énormément de raisons de s’intéresser à la figure de Sartre et vous avez raison de souligner que peut-être ce n’est pas assez reconnu aujourd’hui, même par rapport à des gens venant de la gauche et qui font leur examen de conscience. Mais Sartre reste une figure intouchable. Récemment Jacques Julliard, que j’apprécie beaucoup par ailleurs, a publié une tribune dans le Figaro sur l’humanisme et l’anti-humanisme dans laquelle il dit que Sartre est le dernier humaniste. Je ne pense pas que Sartre soit le dernier humaniste et je ne pense pas qu’il y ait une telle coupure entre Sartre humaniste et l’anti- humanisme de Fukuyama. Sartre n’est pas un humaniste pour moi. Qu’appelle-t-on un humaniste ? C’est quelqu’un qui met l’homme, la personne au centre des choses. Il existe un humanisme chrétien. Sartre n’a rien à voir avec ça.

Sartre est celui qui place l’identité au centre et l’identité n’est pas la personne dans son universalité. L’identité c’est au contraire de vouloir définir la personne par des caractéristiques objectives dans laquelle on va enfermer cette personne. Je ne m’oppose pas à l’idée qu’il y a une généalogie américaine également du multiculturalisme. Mais je pense qu’il y a les deux. Si l’on veut vraiment travailler, ouvrir des pistes sur cette question de la généalogie du multiculturalisme, il y a une généalogie américaine et française, et il y a des allers-retours entre les deux. Je parle du voyage que Sartre fait juste après-guerre aux Etats-Unis, il a été invité avec d’autres intellectuels aux Etats-Unis. Il a été fasciné comme un gamin par les Etats-Unis, par la richesse américaine. Ils ne sont pas très bien habillés, on leur fournit des vêtements pour pouvoir faire des conférences. Tout cela est raconté dans l’énorme biographie de Sartre d’Annie Cohen Solal. Et Sartre revient de ce voyage avec déjà le conflit racial c’est-à-dire qu’il revient avec la question des noirs aux Etats-Unis et il va importer cette question en France. Et comme le dit sa biographe, il va être presque plus sensible à la question raciale aux Etats-Unis qu’à la question sociale, de classe, en France. Il y a des choses incroyables quand on relit certains textes de Sartre aujourd’hui, on s’aperçoit qu’il y a cette ancienneté de la question.

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Il existe une généalogie américaine du multiculturalisme et une généalogie française, avec des interactions entre les deux.

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Il existe donc une généalogie américaine du multiculturalisme et une généalogie française, avec des interactions entre les deux. Il faut voir que les Etats-Unis sont pris dans la même ambivalence que nous, ils ont aussi une tradition assimilationniste. Il ne faut pas oublier que les Etats-Unis ont une tradition assimilationniste, comme nous. Ils sont partis dans une dérive par rapport à cette tradition assimilationniste, comme nous mêmes. C’est très intéressant de comparer les deux histoires, il y a des allers-retours anciens entre ces deux histoires. J’essaie d’apporter peut-être quelque chose par rapport à une généalogie françaiseMais cela ne s’oppose pas à l’idée que, bien sûr, il y a eu aussi une influence des Etats-Unis. Mais les Etats-Unis se déconstruisent eux-mêmes tout autant qu’ils nous déconstruisent. Connaissez-vous le mot de Derrida dans une émission où il y avait aussi Régis Debray chez Bernad Pivot où il finissait en disant : « La déconstruction c’est l’Amérique. »

Charlotte d’Ornellas : Pour revenir à Jean-Paul Sartre et à son influence sur cette criminalisation dans le débat public de l’assimilation elle-même, d’où cela provient-il chez Sartre et comment le comprendre ?

Vincent Coussedière : En fait la question est : Comment se fait-il que l’on n’ait pas été attentifs à ce thème chez Sartre ? Mon hypothèse c’est qu’en fait c’est dans un texte qui est Réflexions sur la question juive c’est dans ce texte que Sartre a fait cette critique de l’assimilation. Mais ce n’est pas le sujet principal du texte, lequel est l’antisémitisme. On pourrait dire peut-être l’antijudaïsme. Ce n’est pas l’antisémitisme racialiste nazi. Certains ont reproché d’ailleurs à Sartre de ne pas parler du tout de la question du génocide. Ce qu’il interroge dans ce texte est plutôt un anti-judaïsme français, pas forcément l’antisémitisme, le racialisme. Anti-judaïsme je préfère cela à judéophobie, parce que l’on voit où nous mènent tous les mots se terminant par « phobie ». Anti-judaïsme religieux, économique, que Sartre a raison de critiquer bien évidemment.

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Sartre se saisit de la critique de l’anti-judaïsme pour critiuer la démocratie nationale et sa tradition d’assimilation.

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Cela c’est une partie du livre. Mais il y a un sous-texte, et c’est ce sous-texte dans le texte que j’essaie de mettre en avant, où Sartre se saisit de cette critique de l’anti-judaïsme pour faire une critique de la démocratie nationale et de la tradition d’assimilation de la démocratie nationale. Et c’est là qu’il établit des parallèles qui sont franchement insupportables c’est-à-dire qu’il y a des passages que je cite où Sartre fait un parallèle entre l’assimilation dans les démocraties nationales, aux Etats-Unis parce qu’il parle des lois américaines d’assimilation, mais par extension il veut parler de toutes les démocraties occidentales. Et donc il établit un parallèle entre les lois d’assimilation des démocraties qu’elles imposent aux immigrés ou qu’elles demandent aux immigrés, aux étrangers et il établit un parallèle avec la négation de l’identité à la fois morale et physique des juifs dans le génocide. Ce sont des parallèles absolument insupportables. Dans certains passages très précis Sartre fait comme si l’assimilation était un crime contre l’humanité, comparable à ce qui a été fait aux juifs. Je fais un raccourci historique avec l’époque actuelle : Erdogan dit la même chose aujourd’hui, il dit aux immigrés ne vous assimilez pas, ne vous intégrez pas, c’est un crime contre l’humanité, au nom de votre identité. Et Sartre c’est déjà au nom d’une identité qui est absolutisée qu’il critique l’assimilation que les démocraties demandent aux étrangers.

Charlotte d’Ornellas : Vous le citez, Sartre dit en gros : on doit remplacer la notion de Français juif par celle de juif français. C’est vrai pour le juif, et ça le sera aussi demain pour une orientation sexuelle, pour une ethnie particulière et on comprend que tout ce qui relève de la nation – et c’est pour cela que j’ai parlé de la culpabilité de Sartre pendant la guerre – tout ce qui relève de la nation doit être effacé au profit d’identités plus particulières.

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Chez Sartre il y a déjà un premier déploiement de la logique multiculturelle et identitaire dans laquelle on est aujourd’hui.

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Vincent Coussedière : Tout ce qui relève de la nation doit être secondarisé et dans le même texte il y a un passage que je cite où il prend l’exemple de la femme. Pour Sartre la femme vote d’abord en tant que femme française et pas en tant que Française femme. On trouve tout cela chez Sartre. Ce qui est absolument étonnant c’est que toute cette logique dans laquelle on est de l’absolutisation des identités, qu’elles soient religieuses, raciales, sexuelles, est déjà chez Sartre. Je ne développe pas cela dans le sens d’une simple histoire des idées, qui ferait que Sartre aurait forcément été la cause des développements futurs. Mais je montre que chez lui il y a déjà un premier déploiement de la logique multiculturelle et identitaire dans laquelle on est aujourd’hui. Cela va jusqu’à la notion d’intersectionnalité, puisque dans Réflexions sur la question juive, il n’est pas opposé à l’identité, il y a un passage absolument incroyable où il dit qu’il a même un point commun presque avec l’antisémite, il pense qu’il y a bien une identité des juifs mais c’est une identité de situation, ce n’est pas une identité raciale. Qu’est ce que ça veut dire en fait ? C’est pour cela que Sartre est très intéressant. Parce que quand on reste dans l’identité on est dans un schéma déterministe qui nous enferme. Quand il parle d’une identité de situation, il veut dire qu’il faut croiser nos différents déterminismes, et que c’est cela qui va définir notre être. On est une femme, on est juive, et c’est donc notre identité de situation.

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Sartre effectue un transfert victimaire des juifs pendant la guerre au Noir, à l’Immigré, à la Femme.

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En fait c’est cela le problème : le problème c’est de réduire la personne. En termes philosophiques c’est un peu compliqué : la subjectivité, l’ipséité, le fait d’être un soi, de le rabattre sur une identité « a=a » et cela c’est une objectivation, c’est une essentialisation. Les progressistes n’arrêtent pas de nous dire qu’il faut arrêter d’essentialiser, mais Sartre est dans l’essentialisation du début jusqu’à la fin de toutes ces identités, qui vont être du coup des identités victimisées sur le modèle de la situation des juifs. Sartre va faire ce que j’appelle un transfert victimaire c’est-à-dire qu’il va essayer de transférer la situation faite aux juifs pendant la deuxième guerre mondiale, à la Femme, au Noir, à l’Immigré etc. Toutes ces catégories avec des majuscules qui sont complètement abstraites. Qu’est ce que ça veut dire le Noir ? Le noir aux Etats-Unis et le noir en France ce n’est pas la même chose. A la libération il y a eu des frictions entre les autorités américaines et françaises parce que les Américains faisaient preuve d’une certaine forme de racisme par rapport aux noirs et pas les Français. Il faut arrêter avec ces abstractions. Ca veut dire quoi la Femme ? Et même la question du judaïsme est aussi une question qu’il faut accepter de moduler selon les communautés, leur histoire etc.

Et donc Sartre fait une espèce d’essentialisation inverse que lui a d’ailleurs reproché George Orwell. Je cite un passage d’Orwell dans mon livre :

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Sartre essentialise de manière inverse le juif, puisque le juif est celui qui est considéré comme juif par l’antisémitisme.

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Donc c’est aussi une essentialisation. Il fait la même chose pour les noirs en disant qu’il faut défendre un racisme inversé, et que le noir a le droit d’être raciste par rapport au blanc pour se libérer de la domination du blanc. Vous voyez à quel point on est dans toutes nos questions actuelles.

Dans un discours Assia Traoré avait commencé par la honte : j’ai honte d’être française, j’ai honte de la France. Vous m’avez demandé tout à l’heure si l’on est sortis de cette culpabilité, et je vous ai répondu oui et non. D’un côté on est sortis peut-être chez les jeunes de cette culpabilité née de la deuxième guerre mondiale et donc dans l’histoire y a de la nouveauté comme le dit Hannah Arendt c’est la naissance qui introduit du nouveau dans l’histoire et donc heureusement qu’il y a cette énergie et même l’oubli. L’oubli est nécessaire à la vitalité. Donc il y a cette dimension. Mais il y a aussi tous ces mouvements et ces groupuscules d’extrême gauche appuyés sur les Etats-Unis. C’est là qu’il y a un aller-retour entre la France et les Etats-Unis qui nous pilonnent et qui cherchent à reprendre ce leitmotiv de la honte, du ressentiment. C’est quand même incroyable parce que en France en tout cas ces gens-là représentent quoi ? Ce sont des minorités. C’est notre lâcheté, notre faiblesse qui leur donne leur force.

Charlotte d’Ornellas : Justement vous soulignez très bien que quand on lit Sartre à la sortie de la seconde guerre mondiale, il y a à la fois le discours féministe, néo-féministe on va dire, le discours indigéniste, on retrouve tout dans ses propres termes jusqu’à la nécessité du racisme anti-raciste, selon ses propres mots. C’est vrai que c’est assez stupéfiant de lire cela écrit en 1947. Mais l’on comprend que ce discours a mis un peu de temps quand même à basculer dans le domaine politique, repris par SOS racisme bien plus tard, qui nous parle de droit à la différence, de la criminalisation même de la notion de nation, du nationalisme. Comment est-ce que Sartre, qui aurait pu rester un penseur marginal intéressant, mais marginal, a basculé complètement dans le champ politique ?

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Sartre est celui qui fonde l’attitude moraliste en politique.

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Vincent Coussedière : C’est une question complexe parce que Sartre n’a pas seulement une influence par ses thèses proprement philosophiques, il a eu aussi une influence énorme par rapport je dirais au rôle de l’intellectuel ; par rapport à une attitude. Certains historiens l’ont très bien montré, comme par exemple Michel Winock dans son histoire des intellectuels via le chapitre sur Sartre, il prend vraiment la mesure de ce qu’a représenté Sartre dans l’histoire de l’intellectuel engagé, de l’intellectuel de gauche. Sartre est vraiment le modèle de l’intellectuel de gauche. Le terme d’engagement qui est sartrien, vous le trouvez partout, vous le trouvez à droite aussi, chacun veut s’engager. Sartre a eu une influence à plusieurs niveaux. Comment essayer de la synthétiser ? Le terme qui me semble intéressant – je reprends l’expression d’Octavio Paz le « masochisme moralisateur », le moralisme. Sartre est celui qui fonde l’attitude moraliste en politique. Qu’est-ce que le moralisme ? Ce n’est pas la morale. Critiquer le moralisme n’est pas critiquer la morale. La morale est une exigence propre à l’existence humaine comme la politique et il y a une tension entre la morale et la politique. Il y aura toujours cette tension et une contradiction et une tension qu’on peut trouver d’ailleurs dans la question de l’accueil des réfugiés sans papiers ou illégaux, on peut tout à fait le défendre d’un point de vue moral. J’ai vu un entretien de Sylvain Tesson qui parlait de cela, il s’est retrouvé en montagne et a vu une famille qui traversait dans la neige, qui allait crever, bien sûr qu’on va faire quelque chose. Cela c’est le point de vue moral. Le moralisme c’est quand on absolutise ce point de vue et que l’on ne regarde plus les conséquences par rapport aux politiques de l’attitude morale. Et cela c’est Sartre. Cela c’est la gauche. C’est l’absolutisation du point de vue moral. Et ne pas voir le point de vue politique c’est-à-dire le bien commun, les limites de la générosité morale etc. C’est là que Sartre est fondamental, dans cette attitude qui est aujourd’hui partout, et qui est partout sur cette question de l’immigration. Donc il y a cela chez Sartre.

Il n’y a pas seulement ça chez Sartre, il y a aussi le rapport aux médias. Sartre était une star médiatique, c’était le patron de Libération, c’est quelqu’un qui dans ses écrits – je cite des passages de Qu’est ce que la littérature où il est fasciné par le pouvoir de propagande des médias et où dit il n’y a pas de scrupule, il faut l’utiliser, il y a un passage où il dit « Il faut saisir les gens au réveil le matin pour leur asséner des choses » donc il est aussi l’initiateur de la propagande médiatique et du verrouillage juridique. C’est lui aussi qui dit : il va falloir réglementer la liberté d’expression par rapport à ce qui est le bien, la vérité. Donc on a tout chez Sartre. Les Indigènes de la république, Houria Bouteldja ne s’y sont pas trompés. Quand vous lisez son livre ou titre très sympathique Les juifs, les blancs et nous et une préface qui s’appelle Fusiller Sartre, mais attention, fusiller Sartre pour aller plus loin que Sartre ; fusiller Sartre pour prendre la place du père. Et prendre la place du père cela veut dire substituer à la victime initiale juive la victime musulmane. Mais sinon c’est la même cohérence. Il y a une dette immense à l’égard de Sartre des Indigènes de la république. D’ailleurs elle lui reproche, elle dit il ne peut pas être complètement en fait de notre côté parce qu’il est blanc et donc il ne peut pas complètement nous comprendre. Mais Sartre disait déjà presque cela de lui-même quand il a fait sa préface à Frantz Fanon il a écrit qu’on ne peut pas comprendre, qu’il faut se mettre dans les yeux de l’autre etc. Ces mouvements-là sont dans la pure lignée de Sartre. Son influence est totalement sous-estimée. Selon moi la philosophie des années 60, Derrida, Foucault etc, sont des notes en bas de page de l’oeuvre de Sartre.

Charlotte d’Ornellas : Vous expliquez aussi que du coup la progression de la criminalisation de l’assimilation en la comparant à l’horreur du nazisme évidemment a bloqué et sidéré tous ceux qui auraient voulu défendre la nuance et la différence évidente entre les deux, et donc pendant très longtemps il n’y a pas eu de résistance. Et la résistance a fini par réapparaître en changeant de mots. Et vous analysez la question de l’intégration derrière la question même aujourd’hui de l’inclusion. Pourriez-vous nous préciser la différence entre l’assimilation, l’intégration et l’inclusion ? Et surtout comment on est passé des uns aux autres ?

Vincent Coussedière : Mon hypothèse est que la critique sartrienne de l’assimilation consistant à dire que l’assimilation est la négation de l’identité, la destruction, voire à la comparer à la destruction physique horrible, mon hypothèse est que cette critique a fonctionné, elle a été intériorisée par énormément de gens et par une grande partie de la gauche. Quand des problèmes se sont révélés, liés à l’immigration et à l’absence d’assimilation. Je parle de l’affaire des foulards en 1989 on peut prendre cette exemple, pourquoi pas, c’est commode historiquement. Il n’était pas question de revenir à l’assimilation, parce qu’en fait on avait finalement accepté l’idée que l’assimilation c’est la destruction, c’est la négation de l’altérité et donc – et là ça s’est passé à gauche cette histoire puisque en 1989 c’est Mitterand qui était au pouvoir, et ça s’est passé du côté du chevènementisme.

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De l’assimilation à l’intégration

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Et le Parti Socialiste était divisé entre un pôle décomplexé – je dirais relativement décomplexé dans le multiculturalisme, le respect des identités, représenté par SOS racisme et un autre pôle qui a résisté en partie, pôle chevènementiste. Et ce pôle chevènementiste, pour s’opposer aux conséquences désastreuses que l’on voyait venir de l’absence d’exigences d’assimilation, a proposé l’intégration. Ce que j’essaie de montrer c’est que l’intégration est la recherche d’un compromis, parce que comme l’assimilation est réputée mauvaise, niant l’altérité, destructrice, on la compare à la digestion – une métaphore biologique que j’essaie de contester dans la troisième partie de mon livre – comme on a finalement entériné cette conception de l’assimilation, on va chercher un compromis que l’on va appeler l’intégration. Et l’intégration va consister à demander à l’étranger de respecter les lois, de s’intégrer par la loi, par des droits qu’il va exercer, des devoirs. Et cela va consister à séparer la sphère privée où il reste libre de son identité et la sphère publique ou là on lui demande de respecter la loi etc.

Et je critique cette opposition, cette séparation entre le privé et le public. Je ne prétends pas qu’elle n’existe pas, bien évidemment c’est une opposition importante en philosophie politique, mais elle est complexe. Il y a le privé, il y a l’intime, il y a l’espace public. Beaucoup d’auteurs ont essayé de montrer toutes les nuances qu’il faut faire. Mais en gros l’intégration c’est cela : on respecte l’identité dans la sphère privée ; on demande par contre de s’intégrer aux lois, on demande au moins cela. Il existe un lien entre les deux, parce que si dans la sphère privée vous êtes abreuvé de principes contradictoires avec ce qu’on vous demande de respecter au niveau des lois, il y aura contradiction. Et je pense que ces contradictions ont ressurgi par rapport aux questions liées à la laïcité.

Charlotte d’Ornellas : Justement, après avoir expliqué l’histoire du renoncement à l’assimilation qui embrasse effectivement toutes les parties de notre manière de vivre, les moeurs, les us et coutumes, vous parlez de l’intégration et l’inclusion et vous notez qu’aujourd’hui, quand bien même revient le terme d’assimilation, on parle de valeurs de la république, on parle de la république elle-même, donc du mode de gouvernement ou de la laïcité. Vous jugez que c’est une erreur de choix d’outils en fait.

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Défendre la république, ça reste très abstrait.

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Vincent Coussedière : Oui parce que c’est totalement insuffisant de parler de la république. La république est un régime. Si on va dans le contrat social de Rousseau, tout gouvernement qui repose sur des lois et qui est légitime est républicain – et la monarchie peut être républicaine. Donc la république est une forme politique. Et cette forme politique s’ancre sur des moeurs, sur une manière de vivre etc. Et donc défendre la république, ça reste très abstrait. Liberté égalité fraternité très bien. Mais ma liberté s’arrête où commence celle des autres. Et comment évalue-t-on cette limite entre ma liberté et celle des autres ? Il n’y a pas de raison universelle qui va donner une vérité absolue. Ce qui va nous permettre de donner la limite entre ma liberté et celle des autres, ce sont les moeurs, les manières de faire. Et cela, c’est la nation, cela c’est une histoire, c’est une construction nationale qui permet justement de donner un contenu à cette liberté égalité fraternité. Il y a une espèce d’abstraction dans ces soi-disant valeurs de la république. Si l’on parlait de principes républicains, ce serait déjà plus juste.

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Qui dit « valeurs » dit « peuple qui valorise ».

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Et puis qui dit « valeurs » dit « peuple qui valorise ». Qui dit valeurs, comme le dit Nietzsche, toute valeur est évaluée. Et évaluée par quelqu’un, par quelque chose. On nous parle des valeurs de la république. Ainsi le ministre de l’éducation nationale monsieur Blanquer a déclaré qu’il faut porter une « tenue républicaine » à l’école. Ca veut dire quoi une tenue républicaine ? Il aurait dû dire une tenue décente ou une tenue… Une tenue républicaine, c’est ridicule. Donc il y a une espèce d’abstraction dans ce républicanisme que l’on retrouve aussi dans la question de la laïcité. Parce que l’on veut faire jouer à la laïcité un rôle pour lequel elle n’a pas été faite. Si on inclut dans la laïcité tout la construction nationale – on ne veut pas dire nation, parce que c’est pas bien, c’est d’extrême droite etc. Et donc j’interprète le retour du thème de la laïcité, qui est revenu à la fin des années 80 du côté surtout de la gauche, j’interprète cela comme une espèce de retour du refoulé de la nation. On n’ose pas dire nation, alors on dit laïcité. Et on veut faire jouer à la laïcité un rôle beaucoup plus important. La laïcité stricto sensu ce sont les lois qui règlent la liberté religieuse de 1905, qui sont liées à un rapport d’existence entre les religions, les vieilles religions qui existaient en France et les non-religieux. Le droit est toujours l’expression d’un rapport de force qui change au sein d’un peuple. Et croire que la laïcité va nous protéger de tous les problèmes posés aujourd’hui par l’islam, c’est totalement insuffisant. La laïcité selon moi est un peu une ligne Maginot juridique. On répète : «laïcité, laïcité » et on espère que ça va régler tous les problèmes liés à l’immigration, liés à l’islam etc. Bien sûr que non !

Charlotte d’Ornellas : Vous expliquez dans votre livre que cette manière qu’ont des gens en fait assimilés à la culture française de parler de valeurs de la république et de laïcité comme point de convergence de toute une population, c’est oublier qu’en fait ils ont cette même conception de ce qu’ils appellent valeurs de la république, de ce qu’ils entendent par laïcité, précisément parce qu’ils sont préalablement assimilés à la culture française.

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C’est ce que j’appelle la laïcité des moeurs qui permet la laïcité de la loi.

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Vincent Coussedière : Tout à fait. C’est ce que j’appelle la laïcité des moeurs en fait qui permet la laïcité de la loi. C’est toute une évolution d’une construction nationale et historique française qui a permis d’établir un rapport entre les libertés et le respect mutuel, entre religions et non-religions, même s’il y a eu des excès des deux côtés, avec des laïcs laïcards d’un côté, et peut-être des excès aussi de l’autre côté. Mais en tout cas c’est une évolution des moeurs. Les Français avaient suffisamment de choses en commun en dehors de la religion pour être capables d’être extrêmement tolérants en matière de religion. Et c’est tout cet équilibre qui est perturbé par l’islam. Mais l’islam n’est pas une idée qui nous tombe du ciel. L’islam c’est l’islam pratiqué par l’immigration musulmane. Donc le problème que peut poser l’islam ne doit pas être abordé seulement comme un problème d’échange de religions et d’idées. C’est un problème lié à sa propagation en raison d’une immigration de masse. Si on avait 200.000 musulmans en France on arriverait peut-être à imposer la laïcité. Il y a dans l’islam des difficultés pour entrer dans le dispositif de la laïcité. Mais il est évident que ces difficultés sont d’autant plus grandes que l’islam est pratiqué par énormément de gens, il est même un repère pour eux parce que comme on ne leur a pas proposé de s’assimiler à des modèles intéressants, plus riches etc, ils se replient sur leur modèle initial.

Charlotte d’Ornellas : On comprend, et vous venez de le dire, qu’il y a deux mouvements parallèles mais qui finissent par converger : d’une part, le refus de la France d’assimiler la France à l’histoire de la nation française, intellectuellement et politiquement, d’une part ; et d’autre part, le nombre dans l’immigration. Les deux finissent par provoquer la fameuse archipélisation du pays. Vous abordez une autre question dans votre livre, à laquelle on ne pense pas habituellement quand on parle d’assimilation, que l’on associe immédiatement à immigration. Vous dites que tous les hommes du monde s’assimilent, et cela fait partie de la nature humaine justement d’avoir besoin de s’assimiler, et qu’on a fini par même renoncer à l’assimilation des petits Français autochtones.

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Réflexion sur la notion d’assimilation

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Vincent Coussedière : Tout à fait. J’essaie de repenser l’assimilation à un niveau vraiment fondamental de telle sorte justement à la légitimer. L’assimilation n’est pas une politique parmi d’autres pour moi. Je la pense comme assimilation imitative à partir d’un grand philosophe du social, de la société, qui est peu connu, peu valorisé, qui est Gabriel Tarde et qui était le concurrent de Turkheim. Turkheim était un républicain proche aussi du socialisme et on a un peu oublié Gabriel Tarde. Sa notion d’imitation est intéressante. Pour lui le lien social est fondamentalement imitatif. On est en lien social quand on s’imite les uns les autres. Pas quand on s’utilise les uns les autres. Les animaux peuvent s’utiliser, le requin a un petit poisson qui lui cure les oreilles etc. Ils ne sont pas en lien social. Quand on utilise des esclaves il n’y a pas vraiment de lien social. Etre en lien social véritablement c’est avoir le désir de s’imiter et donc de s’assimiler, d’imiter des modèles communs. J’essaie de repartir de là et de dire que du coup quand on parle de la phrase d’Aristote « L’homme est un animal social et politique », il est un animal social et politique parce qu’il a besoin justement de se construire par imitation de modèles communs. Or nous avons honte de nos modèles, de ce qui nous constitue, et donc nous ne les offrons pas à l’imitation. Parce que comme le dit Tarde, pour imiter un modèle il faut que ce modèle soit désirable, qu’il soit présenté, qu’il n’ait pas honte de lui-même. J’essaie de montrer que l’assimilation est une relation d’imitation, et qu’elle crée une responsabilité des deux côtés. Pour que l’assimilation fonctionne, il y a une responsabilité des deux côtés. Cela veut dire que l’étranger doit avoir un projet d’assimilation.

On parle d’immigration en général. Mais ce qui distingue les formes d’immigration, c’est le projet qui préside à l’immigration. Pourquoi je vais vivre dans un autre pays plus longtemps qu’un an, pour reprendre la définition de l’ONU. Mais c’est absolument crucial de poser cette question que l’on ne pose jamais. L’immigré est présenté toujours comme une victime. C’est totalement faux. Il y a des projets différents. Il peut y avoir le projet de s’assimiler. Mais il peut aussi y avoir le projet totalement contraire qui est de coloniser. C’est-à-dire que l’immigration peut être aussi une forme de colonisation si le but et le projet c’est d’importer mes modèles et de les imposer dans le pays dans lequel je vais. Là aussi il y a beaucoup de choses à dire sur cette articulation entre immigration et colonisation. On a tendance à ne pas faire les distinctions.

L’assimilation pour que ça marche c’est une relation, cela suppose un désir d’imitation de la part de l’étranger, désir basé sur l’admiration du modèle, qui a une certaine spontanéité parce que quand on imite, on a envie d’imiter et du coup cela facilite etc. Et puis ce que dit Tarde c’est qu’il n’y a pas de réciprocité, c’est-à-dire que c’est celui qui copie qui imite le modèle, ce n’est pas le modèle qui imite celui qui copie. Le maître ne va pas imiter la langue de ses élèves qui ne parlent pas français. Sinon c’est qu’on est mal barrés. L’assimilation est une relation qui suppose une responsabilité de celui qui s’assimile, mais qui suppose aussi une responsabilité de celui qui accueille. Et cette responsabilité c’est justement d’assumer les modèles qu’on propose, d’avoir une exigence par rapport à ces modèles. Et c’est cela qui aujourd’hui se perd en raison de l’idéologie migratoire, du relativisme général.

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« Tout se vaut. »

« Toutes les identités sont respectables. »

« Notre culture est comme les autres, elle est même peut-être pire parce qu’elle a colonisé. »

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Etc. Comment voulez-vous que les gens s’assimilent par rapport à cela ?

Ce qui est important est de maintenir l’idée que l’assimilation est une relation. Je ne suis pas d’accord avec les gens qui disent qu’il y aurait des individus qui seraient assimilables ou pas assimilables. Dans la mesure où l’homme est libre, où il y a une certaine liberté, et où il y a une imitation, tout le monde a la possibilité de s’assimiler, c’est-à-dire de prendre un recul par rapport à sa culture et d’imiter autre chose. C’est une possibilité qui est ouverte. On ne peut pas dire a priori que les musulmans (ou d’autres) ne sont pas assimilables. Cela n’a pas de sens. L’individu peut toujours faire exception à la règle. Ce qui est contradictoire, ce qui n’est pas assimilable, ce sont les modèles de civilisation entre eux. Là est la contradiction entre par exemple le modèle de l’islam et le modèle occidental lié au christianisme mais aussi lié au mouvement démocratique. Il y a des choses entre ces modèles qui sont contradictoires. La place de la femme c’est contradictoire point barre. Cela ne veut pas dire qu’un individu qui est issu du modèle musulman ne peut pas s’assimiler. Parce qu’il y a la question de la liberté et on serait en contradiction avec notre propre tradition de la liberté [si on affirmait qu’un musulman ne peut pas s’assimiler]. Il y a toujours la capacité [qu’un musulman s’assimile]. Mais c’est très difficile. Je dis que l’assimilation est possible, mais elle est très difficile. Il faut donc prendre la mesure de cette difficulté de l’assimilation pour avoir une politique d’assimilation.

Charlotte d’Ornellas : Pour reprendre ce que vous disiez, on s’assimile à un modèle qu’on a identifié comme supérieur, en tout cas que l’on identifie comme bon et désirable et auquel on a envie de s’assimiler, que l’on a envie d’imiter. Et l’on pourrait prendre l’exemple de toutes ces idéologies pour le coup qui prennent finalement une place, une manière de vivre. Je pense à l’assimilation à la communauté LGBT, je pense à l’assimilation à la communauté écologique, je pense à l’assimilation à la communauté néo-féministe, je pense évidemment à l’assimilation au monde musulman islamique. Toutes ces communautés les unes à côté des autres proposent une manière de vivre, une manière de s’habiller, une manière de manger. On pourrait parler des vegans et de toute cette mouvance là. Et au milieu on a un pouvoir politique. Vous disiez que l’assimilation est la politique et non pas une politique. On a des hommes politiques qui ne savent plus parler de ce qu’ils veulent imposer en commun dans le pays. C’est surtout cela le problème qu’on a, bien au-delà de la question de l’immigration finalement.

Vincent Coussedière : Vous avez décrit ce qu’on appelle le communautarisme et le fait de proposer aux gens une identité qui va leur permettre de s’identifier, de se construire. Sauf que cette identité (vous avez parlé des vegans etc) est d’une très grande pauvreté. On s’identifie à un point commun qui est soit la manière de manger, soit comme on dit l’orientation sexuelle etc. Mais c’est d’une très grande pauvreté. C’est un des éléments de la vie simplement, et tout cela devient absolutisé. En revanche j’aurais une réserve, c’est de mettre l’islam sur le même plan. Je ne pense pas que l’islam soit un communautarisme. Le communautarisme c’est notre problème à nous. Le communautarisme est la communauté de l’absence de communauté. C’est parce que nous avons renoncé justement à notre être ensemble politique, à notre construction politique et sociale, à la richesse de ce que ça veut dire être Français, qui suppose une richesse de modèles qu’on peut connaître par l’histoire, par la culture etc. C’est parce que l’on a renoncé à cela que les gens pour se construire vont chercher des identités LGBT, vegans etc. L’islam c’est autre chose, parce que le modèle que propose l’islam a une ancienneté – qu’on l’apprécie ou pas, ou qu’on le pense contradictoire ou pas – mais il a une ancienneté et une richesse. C’est une civilisation. De là son pouvoir d’attraction. Parce que les petites identités bien gentilles, vegans, ceci, cela, sont peut-être assez rapidement insuffisantes pour les gens. Parce que nous avons renoncé justement à proposer la richesse d’un modèle national à la fois de moeurs, d’histoire, à la fois un modèle national, mais aussi un modèle politique.

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L’identité ne suffit pas, il faut aussi se projeter dans un avenir.

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C’est parce qu’on a toute cette communauté, cette richesse, cette histoire qu’on a envie de faire des choses ensemble pour l’avenir, qu’on a un projet politique. Il est où le projet politique de nos différents politiques actuellement, de quelque bord que ce soit ? Où est le projet politique ? Où est la projection dans l’avenir ? Il est logique qu’elle soit difficile s’il n’y a pas de rapport au passé, parce que ce qui permet une projection dans l’avenir c’est aussi un rapport au passé. Et c’est cela qui permet peut-être de puiser des embranchements qu’on n’a pas pris dans l’histoire et qu’on va prendre. C’est cela qui est d’une pauvreté insigne dans nos élites. Que nous propose-t-on ? De gérer les choses ou alors d’avoir un projet assez réactif. Je suis parfois un petit peu sévère. L’identité ne suffit pas, il faut aussi se projeter. De Gaulle avait un projet pour la France. Il avait un rapport d’une richesse extraordinaire au passé, il était pétri d’histoire, mais en même temps il avait un rapport à la modernité. Il a fait des erreurs aussi. Certaines cités, c’est sous de Gaulle qu’elle se sont construites. Mais il avait aussi une projection dans l’avenir, de puissance. C’est ce qui aujourd’hui semble-t-il manque cruellement. Et donc comme vous l’avez dit, comment s’étonner que du coup nous n’assimilions plus, nous n’ayons plus cette capacité d’assimilation ?

Charlotte d’Ornellas : En vous écoutant il y a une erreur qu’on fait, c’est de considérer qu’il y a des personnes en France qui ne sont pas assimilables – vous avez dit que c’est faux philosophiquement – mais même qui ne sont pas assimilées. Elles sont bien assimilées à autre chose en réalité. Je repense à Emmanuel Macron qui a dit comme vous que l’islam était une civilisation et qu’il fallait que les Français acceptent désormais que deux civilisations vivaient sur le sol. En vous écoutant l’on comprend que s’il y a deux civilisations, il y a une course à l’assimilation entre les deux.

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L’assimilation est un processus universel.

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Vincent Coussedière : Tout à fait. C’est-à-dire qu’en fait il faut accepter que l’assimilation est un processus universel. Chaque société assimile. En revanche on assimile à des modèles qui ont une certaine cohérence et c’est la cohérence de ces modèles qui va donner l’unité d’une civilisation. Donc ce n’est pas parce qu’on dit, comme je le dis, que l’assimilation est un phénomène universel, qu’on veut dire qu’elle est universaliste, c’est-à-dire qu’on peut assimiler tout le monde au même modèle. Non. C’est justement à la fois le charme, la diversité et le tragique de l’existence humaine qui est que justement toute culture se particularise à travers des modèles, à travers une cohérence et qui lui donne justement son originalité, sa singularité par rapport à d’autres. Et c’est cela le tragique de l’histoire humaine. C’est mon côté polythéiste. Il y a plusieurs dieux, et les dieux sont liés aux cités. Parce que les dieux ne sont peut-être que la projection de ces modèles-là.

Charlotte d’Ornellas : Vous disiez tout à l’heure que vous remontiez plus loin que le débat public sur l’origine du refus de l’assimilation en remontant à Sartre. En vous écoutant depuis tout à l’heure l’on se dit que finalement on pourrait peut-être remonter encore plus loin sur la question de la philosophie des Lumières qui finit par dire finalement : on va transformer la hiérarchie, on ne va plus placer le bien commun au-dessus de toutes les libertés individuelles, mais bien les droits individuels au-dessus, à égalité peut-être pendant un temps, et au dessus du bien commun. On comprend que le renversement est là aussi.

Vincent Coussedière : J’en parle dans mon livre. Dans un essai on peut ouvrir des pistes, c’est aussi le but d’un essai, ce n’est pas une thèse. Mais en effet si on voulait vraiment aller à l’origine de la crise qu’on vit aujourd’hui, multifactorielle, qui n’est pas seulement liée à l’immigration, il faut poser la question des temps modernes. Il y a un ouvrage d’un grand philosophe allemand qui s’appelle La Légitimité des temps modernes. Il y a une construction des temps modernes avec Hobbes, avec le contractualisme qui a une cohérence par rapport à la construction grecque et puis chrétienne etc. Je pense qu’on arrive au bout et on est interrogé par tout ce qui se passe sur la cohérence de la construction politique des temps modernes qui est le contractualisme. Le libéralisme, le contractualisme ont construit la société à partir d’individus libres, et les bonnes institutions vont nous permettre de bien vivre ensemble. Kant dit :

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« Une bonne constitution peut même faire vivre ensemble un peuple de démons, pourvu qu’ils soient pourvus d’entendement »,

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donc pas besoin d’avoir une sensibilité commune, une démarche commune. L’intelligence va nous permettre de construire de bonnes institutions pour vivre ensemble. Je pense qu’on arrive un peu au bout de cette perspective et qu’il faut mettre en cause le contractualisme et le fait de croire que l’on peut former la société à partir d’individus. Cela nous ramène à la question de la démocratie et à notre discussion du début de l’entretien sur le multiculturalisme américain et français. Parce que la question fondamentale philosophique et politique est de faire la généalogie du multiculturalisme.

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Qu’est ce que c’est que le multiculturalisme ?

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Qu’est ce que c’est que le multiculturalisme ? C’est une dérive de la construction de la démocratie. C’est la dérive libérale et individualiste de la démocratie. Démocratie en grec se dit demos. Démocratie c’est la loi du peuple. Loi du peuple qui est l’expression de ses moeurs, d’une histoire etc. Or on est dans une démocratie de l’individu qui absolutise l’individu. C’est cela le multiculturalisme. Et pour en faire la généalogie c’est à la fois la tradition libérale – c’est une dérive des traditions libérales – et qui rencontre aussi le marxisme. Et ce sont ces deux courants qui vont poser l’individu finalement, l’émancipation de l’individu. Marx était lui-même au départ un libéral, ses premiers textes sur la liberté de la presse etc sont d’un libéral.

Mais Marx a voulu aller plus loin que le libéralisme en disant que pour avoir les véritables conditions de la liberté il faut aussi l’égalité économique etc. Quel est le but ? Il y a une citation de Jaurès qui dit que le socialisme est un individualisme. Donc le but est l’émancipation totale de l’individu, ce que l’on appelle aujourd’hui justement «  réaliser son identité » etc. Et c’est cette dérive de la démocratie, cette confusion entre la liberté et la licence, croire que la liberté c’est réaliser mon identité, mon désir etc. Et l’on retrouve cela dans tous les domaines, dans le problème de la technique, le problème du désir, des techniques de procréation médicalement assistée etc. C’est ce désir qui devient absolutisé. Et c’est déjà présent chez Sartre. On croit que Sartre est le penseur de la liberté. Ce que je dis c’est qu’il n’est pas le penseur de la liberté, il est le penseur de l’identité. Parce que la liberté chez lui c’est la liberté de réaliser mon identité. Puisqu’il est nihiliste par ailleurs, il pense que de toute façon il n’y a aucune valeur qui soit supérieure aux autres, dieu est mort etc. Donc que reste-t-il ? Il reste que je suis condamné à être libre, ça veut dire que je suis condamné à faire ce que je veux. C’est mon choix. C’est cela la liberté pour Sartre, c’est l’authenticité. Peu importe le contenu concret de la liberté mais j’y adhère, j’assume, c’est cela pour lui la liberté. On est vraiment avec Sartre dans cette dynamique individualiste dans laquelle on est aujourd’hui qui va absolutiser les identités et qui va perdre de vue quelque chose qui nous dépasse.

Charlotte d’Ornellas : L’identité est préalable à l’action. C’est parce que je suis comme cela que je vais agir comme cela. Et c’est parce que nous sommes comme cela collectivement en tant que peuple avec des us des coutumes qui sont naturels que nous allons agir ensemble. Vous dites qu’aujourd’hui on ne sait plus comment agir ensemble parce qu’on est en permanence en train de se demander qui on est.

Vincent Coussedière : Selon moi l’émergence du terme de l’identité vient justement du fait que nous ne sommes plus capables de poursuivre des buts communs et que nous ne sommes plus justement dans le sens de la liberté. La liberté politique, son sens est d’agir ensemble vers des buts que nous avons. Or ces buts n’existent plus. Donc on cherche le but de notre action dans une identité, dans une essence. Toutes celles que vous avez données : vegan etc. L’identité est mise à la place de la politique, du but politique, de l’énergie politique et notamment d’avoir envie de faire des choses ensemble. Et comme nous n’avons plus envie de faire des choses ensemble et que nous ne savons plus quoi faire, nous cherchons dans une identité un peu fantasmée le but de notre action.

Charlotte d’Ornellas : Une fois que l’on a fait ce constat à la fois sur d’où ça vient et où on en est arrivés, depuis le début de cet entretien, il y a la question de l’impuissance devant cette situation qui se pose aux politiques. Qu’est-ce qui pourrait être source d’espoir, d’espérance sur le terrain politique par rapport à cette question, aujourd’hui en France ?

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Que faire ?

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Vincent Coussedière : C’est une question qui revient souvent. Que faire ? Comment agir ? Cela renvoie aussi à cette question de l’identité etc. Une première chose ce n’est pas un secret d’ailleurs je pense qu’aujourd’hui il y a un dynamisme de ce côté là dans le camp appelé conservateur ou parfois appelé populiste. C’est quelque chose de très positif justement de découvrir que notre passé est une altérité. L’aventure est dans le passé. Il n’y a plus d’aventure géographique, il n’y a plus d’aventure dans l’espace. La terre est totalement explorée. On est tous des touristes partout. Ce n’est plus comme aux 18ème 19ème siècle avec cette espèce d’appel, même si Sylvain Tesson un chercheur a continué, il est parfaitement conscient à quel point ça devient difficile. Il faut prendre conscience de l’altérité temporelle et pour les jeunes c’est une richesse c’est-à-dire que s’apercevoir à quel point nous avons perdu justement le rapport à ce qui nous constitue, notre passé, à quel point il y a une richesse là-dedans et il y a des points de départ peut-être nouveaux qui sont là. C’est une première réponse, retrouver ce rapport au passé.

Au niveau politique c’est compliqué parce que comment la politique, les politiciens aujourd’hui, peuvent-ils réactiver ce sentiment de la richesse de la nation, de l’appartenance etc. Des moeurs. Le politique ne peut agir que de manière indirecte par rapport à tout cela. Par exemple il peut agir sur les modèles. Mais cela engage des questions redoutables, cela nous met en question de manière fondamentale. Par exemple la question du privé et du public. Comment peut-on croire que l’on va préserver une richesse de moeurs, de coutumes, de langage, si on laisse se déverser dans l’espace privé des modèles totalement autres, différents. Dès que l’on met un peu en cause ces frontières, on est accusé d’être totalitaire, on a le risque du totalitarisme. Et donc c’est une gageure. Comment agir de manière indirecte sur les modèles ? Sur la liberté des paraboles, des chaînes télé, c’est quand même incroyable qu’on ne s’interroge pas là-dessus. Qu’il s’agisse des chaînes liées à l’islamisme ou aujourd’hui des chaînes chinoises en français qui commencent à venir. Est-ce qu’on fait quelque chose par rapport à ça ou pas ? Parce que liberté d’expression…

L’éducation nationale, comment est-ce qu’on peut agir par rapport à l’éducation nationale qui devrait être la fabrique de l’éducation à la nation (« éducation nationale ») normalement. Aujourd’hui c’est un gros mot dans l’éducation nationale, la nation. On y parle de la république et d’une version de la laïcité qui est très proche du multiculturalisme en fait si on regarde un peu. Il faudrait agir aussi bien évidemment par l’éducation nationale.

Et puis il faudrait agir en incarnant soi-même… C’est le problème des élites. Les élites sont là pour quoi ? Pour incarner ces modèles de vie collective, pour incarner cette civilisation française etc. C’est la responsabilité des élites. Et le peuple, ce qu’on appelle le populiste, selon moi il n’est pas contre les élites, mais plutôt il cherche des élites, il aimerait des élites qui l’élèvent justement et qui ne fassent pas des cabrioles dans les prés avec des rappeurs, mais qui au contraire lui donne envie d’imiter un certain nombre de modèles.

Prenez l’exemple de la langue. Si la langue est parlée n’importe comment à la télé, à la radio, comment les processus d’imitation qui vont conserver sa richesse vont-ils pouvoir s’opérer ?

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Il faut sortir d’une vision de la politique toute puissante, que la politique va tout résoudre par des lois etc.

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Il faut sortir d’une vision de la politique toute puissante, que la politique va tout résoudre par des lois etc. Il faut retrouver le sens de la politique au sens grec. La politique c’est aussi l’éducation, c’est la morale, c’est la paideia. C’est à tous les niveaux qu’il faut se ressaisir. Les processus d’imitation dont on a parlé commencent dans la famille. L’enfant a envie d’imiter ses parents parce qu’il les aime, parce qu’il les admire et c’est cela qui va permettre l’imitation. Tarde le dit très bien, il explique très bien cela, l’autorité se fonde là. On pourrait faire un lien d’ailleurs entre Tarde et la psychanalyse.

Marion Maréchal dirait métapolitique. Je préfère dire archipolitique parce que toutes ces questions sont les conditions de possibilité de la politique. Pas métapolitique au sens où ça pourrait sembler un peu métaphysique et planer dans le ciel, mais archipolitique. C’est-à-dire que la politique commence là, dans les moeurs, dans l’éducation, et il y a une articulation à retrouver. Et cela remet en cause la question des temps modernes. Il y a une articulation à retrouver que les Grecs avaient entre l’éducation, la morale et le politique, ce sont les mêmes vertus.

Charlotte d’Ornellas : Nous avons débuté cet entretien par la question de la honte, le très lourd poids de la honte. On peut peut-être le terminer par l’inverse de la honte qui est la fierté, un sentiment… Parce que vous avez évoqué ce qui pourrait être fait de manière archipolitique, du coup l’on peut reprendre votre mot dans plusieurs sphères depuis la famille, en passant par l’éducation nationale et en se posant des questions sur la limite entre le respect des libertés, le totalitarisme, toutes ces questions un peu vertigineuses qu’il nous faut nous poser. Mais il y en a une première peut-être qui est qu’à la tête de l’Etat au minimum la honte soit refusée quand il est question de la France, quand il est question de son histoire, de sa célébration. Je n’oppose pas la fierté et la lucidité sur ce qu’a été l’histoire. On sent qu’il y a parfois un désir, mais c’est encore compliqué.

Vincent Coussedière : Vous avez raison d’insister sur ce point puisque dans une démocratie nationale la parole publique et la parole qui est au plus haut niveau de l’Etat est absolument décisive. Il y a une responsabilité de cette parole qui est énorme et qui est justement liée aussi au processus d’imitation, de respect de l’autorité. Sur ce plan là on peut être assez inquiet des positions de notre président. Les positions qu’il a prises à la fois sur l’inexistence de la culture française, sur l’assimilation. Il a déclaré dans un entretien « On ne veut plus de l’assimilation. » Mais comment s’autorise-t-il à dire cela ? L’assimilation est toujours dans le Code civil, c’est une condition normalement de la naturalisation. On peut avoir des inquiétudes par rapport à la parole de l’Etat et dans un système comme le nôtre il y a une architecture, il ne faut pas se leurrer, une architecture de la parole, il y a une architecture qui garantit l’autorité aussi. Et quant au plus haut sommet de l’Etat il peut y avoir une forme de fléchissement, de relativisme, de « en même temps » par rapport à cela, ce n’est pas très rassurant.

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